Quand la communication publicitaire ne se faisait pas comme aujourd’hui par la photo. Le Moulin Rouge sollicitait la collaboration de grands artistes tels que Lautrec ou Gruau.
Leur illustrations sont toujours le reflet de leur temps tout comme les revues, et ces illustrations sont en osmose parfaite avec l’esprit Moulin Rouge.
De la deuxième moitié du 19ème siècle à la Première Guerre mondiale, l’affiche connaît son âge d’or en France.
Des dizaines d’artistes on fait passer l’affiche de l’objet utilitaire (réclame) à celui d’estampe de collection avec de réelles qualités artistiques.
Cheret, Toulouse Lautrec, Willette, Steilen, Grün,  Sem, Roedel,  Cappiello, Gesmar, , OKley, Gruau mais aussi Paul Colin, Dignimont, Louis legrand, Vaillant, Zig, E. Prieur, Pol-Rab, JF Raffaelli, Alfred Choubrac, Paul E.  Villefroy, José de Zamora…
 
Jules Chéret (1836-1932)
Père de l’affiche artistique en couleurs, il est le plus prolifique artiste de sa génération (plus de 1000 affiches). Avec les quatre couleurs de base rouge, jaune, bleu et noir il arrive à obtenir toutes les nuances et les dégradés.
L'œuvre de Chéret exercera une influence sur les peintres de son époque : Toulouse-Lautrec, Pierre Bonnard, Édouard Vuillard en France ; Dudley Hardy en Angleterre ; Henri Meunier et Privat Livemont en Belgique.
 
Ses créations joyeuses, son aisance à aborder différentes techniques, ont naturellement porté Jules Chéret vers l'art de l'affiche dont il fut un pionnier.
Il met en scène un type de femme gaie, parisienne mutine, cousine de Colombine, légère, entre ciel et terre. Sa palette lumineuse et riche fait des palissades un spectacle sans cesse renouvelé.
Les centaines d'affiches qu'il a produites constituent une riche collection, témoignages émouvants des lieux fameux de l'époque : Folies Bergères, musée Grévin, grands magasins, et Moulin Rouge.
En 1889 il crée la première affiche du Bal du Moulin Rouge à l’occasion de l’ouverture du cabaret.
Toutes ses affiches sortent de l’imprimerie Chaix.
Il réalisera 2 affiches pour le Moulin Rouge :
-          1889 Bal du Moulin Rouge Place Blanche
-          1890 Moulin Rouge Paris Cancan
 
Toulouse Lautrec (1864-1901)
Installé à Montmartre dès 1884 Lautrec fréquente assidument les cabarets de Montmartre.
Le 6 octobre 1889, ouverture du Moulin-Rouge, 90 boulevard de Clichy, dont Lautrec devient un habitué. Sa table lui est réservée et il y expose ses oeuvres.

C'est en compagnie de Signac et Guibert que Lautrec se rend à Bruxelles, en janvier 1890, pour l'inauguration de l'exposition des «Vingt». Un scandale éclate lorsque Lautrec prend la défense de Van Gogh et provoque en duel H. de Groux. Le duel n'aura pas lieu. Le 6 avril, peu avant de se suicider, Van Gogh rend visite à Lautrec à Paris. Son camarade de classe Joyant prend la succession de Théo Van Gogh à la galerie Goupil, sur la butte Montmartre. Lautrec fait la connaissance de Jane Avril. Il peint Moulin-Rouge (Dressage des nouvelles par Valentin le Désossé) que joseph Oller, le directeur, achète aussitôt pour décorer son établissement.
 
Henri de Toulouse-Lautrec expose en 1891 avec Anquetin, Emile Bernard et Pierre Bonnard. II signe sa première affiche qui le rend célèbre dans tout Paris dès le lendemain de sa publication : Moulin-Rouge (La Goulue).
En 1892, Lautrec réalise une affiche pour son amie Jane Avril, danseuse dans le quadrille du french cancan au Moulin Rouge; il l'a aussi représentée dans le Divan Japonais, en 1893 dans Jane Avril au Jardin de Paris du Moulin Rouge, et dans une dernière affiche Jane Avril en 1899.
-          Au Moulin-Rouge ou La Promenade (La Goulue et Jane Avril au fond), vers 1891/1892, Carton, 80 x 65 cm
-          Jane Avril entrant au Moulin-Rouge, 1892, Carton, 103 x 55 cm
-          La Goulue entrant au Moulin-Rouge, 1892, Carton, 79.4 x 59 cm
-          Au Moulin-Rouge, le départ du quadrille, 1892, Carton, 80.1 x 60.5 cm
-          Au Moulin-Rouge, 1892, Carton, 80 x 60 cm
-          Au Moulin-Rouge : les deux Valseuses, 1892, Carton, 93 x 80 cm
-          L'Anglais au Moulin-Rouge, 1892, Carton, 85.7 x 66 cm
-          Au Moulin-Rouge, vers 1892/1893, Toile, 123 x 140.5 cm
-          Au Moulin-Rouge : La Clownesse Cha-U-Kao, 1895, Toile, 75 x 55 cm
-          La Danse au Moulin-Rouge : la Goulue et Valentin le Désossé, 1895, Toile, 298 x 316 cm
 
Passionné de lithographie Lautrec a laissé près de 400 planches et seulement 31 affiches.
Il découvre l’art publicitaire semble-t-il à la suite de Bonnard.
Zidler directeur du Moulin Rouge dont il était un habitué, lui propose de faire une affiche pour remplacer celle faite par Chéret deux ans auparavant.
Dès cette première planche son génie éclate :
Valentin le Désossé, en gros plan prémonitoirement cinématographique, et au fond la masse sombre des spectateurs font ressortir le personnage de la Goulue et son jupon éclatant (le papier en réserve) radieuse sous les lampions jaunes.
Comme les japonais, Lautrec choisit une mise en page dynamique et hardie : des diagonales et quelques traits font une scène.
Les couleurs éclatent juxtaposées en aplat, son cerne est gras, puissant, énergétique.
Par sa puissance et sa hardiesse, Lautrec prend diamétralement le contrepied de Chéret.
A une vision extérieure neutre, il substitue une vision intérieure, engagée.
Ainsi, alors que Chéret dessine pour le Moulin Rouge une femme, gracieuse allégorie entourée de Pierrots sous les ailes du Moulin, Lautrec nous montre ce qui se passe vraiment.
Il peint sans concession les personnages tels qu’ils sont.
 
Les affiches de Lautrec ont laissé dans l'inconscient collectif une trace profonde et continuent aujourd'hui d'exercer une fascination.
Lautrec va fixer à jamais l'éphémère de la vie nocturne
Dès ses premières affiches, Lautrec innove. Il réduit le spectre des couleurs au jaune, au rouge, au bleu et au noir. Les noirs de Lautrec sont extraordinaires. Il va du reste en faire la base de ses affiches qui sont aussi la synthèse de son art. Il obtient des verts olive particulièrement profonds, fruits de savants mélanges d'encres dont il fera grand usage pour la lettre. Lautrec emploie aussi une technique utilisée par de nombreux affichistes : le crachis. C'est une pluie fine d'encre faite à partir d'un couteau que l'on passe sur une brosse à dents encrée. Grand admirateur des maîtres de l'estampe japonaise, Lautrec avait retenu de leurs œuvres qu'il était possible d'obtenir avec "des couleurs simples et juxtaposées, des résultats aussi francs qu'avec des couleurs nombreuses et superposées". Il s'approche également de l'art japonais par son dessin qui semble jaillir spontanément, cernant chaque figure par un trait vigoureux. En fait pour chaque affiche, Lautrec exécute une quantité d'états différents avant de trouver les tons justes. Certains de ces essais sont uniques, d'autres tirés à seulement 20 exemplaires ou plus. Certains états sont avec la lettre, c'est à dire avec le texte de l'affiche définitive, d'autres sont d'abord des recherches sans le texte.
 
Parfois il change la couleur de la lettre, il expérimente différends fonds. Chaque affiche exige une extraordinaire suite de recherches sur les couleurs, le dessin et l'emplacement du texte qui ne doit pas être préjudiciable à la composition. Lautrec a parfaitement compris que l'affiche est avant tout destinée à une forme de communication. il faut que l'affiche s'impose à l'attention des gens par des effets irrésistibles. Il apprend donc à supprimer le détail superflu. Le modelé disparaît pour des fonds de couleurs en aplat.
Le véritable phénomène pour l'histoire de l'art vient de l'engouement du public pour les affiches de Lautrec. Pour la première fois peut-être le public alla droit vers une forme d'art considérée d'avant-garde, alors que nombre d'artistes, critiques et collectionneurs n'avaient que répulsion pour les compositions insolites de Lautrec, ses procédés picturaux comme la crudité des visages ou la déformation voulue pour rendre la figure plus expressive. L'affiche pour le "Moulin Rouge" est la première affiche moderne, véritable œuvre d'art que les collectionneurs, très vite, recherchent, allant jusqu'à les faire décoller des murs où elles sont apposées.
 
Roedel(1859-1900)
Moulin Rouge Grande Redoute
 
Adolphe Wilette (1857-1926)
Une des figures clés de Montmartre, et un de ses plus infatigables animateurs il décora de nombreux cabarets dont le Moulin Rouge et dessina le célèbre moulin de couleur rouge : son enseigne. Il fit aussi une affiche « La Jambe » en 1901.
 
Théophile Alexandre Steinlen (1859 – 1923).
Steinlen suit des études philosophiques et littéraires, la lecture de L'Assommoir d'Emile Zola, alors qu'il a dix-sept ans, l'influence beaucoup. Plus tard, il devient le chantre de la lutte des classes et de la révolte prolétarienne.
Il débute sa carrière en 1879 comme dessinateur de tissus à Mulhouse puis, rejoint Montmartre où il s'installe définitivement. A partir de 1883, Steinlen fréquente le cercle artistique du cabaret Le Chat Noir où il rencontre Toulouse-Lautrec, Paul Verlaine, Aristide Bruant...
 
Jules Alexandre Grün (1868-1934)
Peintre, illustrateur et affichiste français, il est considéré comme l'un des derniers peintres académiques de la Belle Époque.
Personnage montmartrois par excellence, il mérite une place à part par l’importance de sa production et l’originalité de son style.
Les thèmes de prédilection de Grün sont les natures mortes, les portraits et les scènes de la vie parisienne de la Belle Époque. Il se fait aussi un nom en tant qu'affichiste et illustrateur dans la mouvance de Jules Chéret. Il dessine plus de deux mille affiches en une quarantaine d'années
Pour de nombreux cabarets et concerts de la Butte, il fait des affiches d’un exceptionnel entrain dont quelques unes pour le Moulin Rouge comme : » le bal du déficit au Moulin Rouge «  (1897),  une affiche « passe partout » (entre 1903 et 1904),utilisée pour les revues « Tu marches », « Lionel Stringfort » et « spectacle variés »  puis l’affiche « C’est très excitant » (1911).
 
Sem (Georges Goursat dit, 1865-1954) fait parti des caricaturistes avec le jeune Cappiello.
En novembre 1900 Cappiello signe son premier contrat avec l'imprimeur-éditeur  P.Vercasson, qui marque le début de sa carrière d'affichiste.
Comme Chéret il fait appel à de jolies femmes qui semblent sorties tout droit du music hall : taille corsetée, joli décolleté, très souriantes voir aguichantes. Il commence à mettre ses personnages en mouvement. C'est le début de ce qu'il appellera "l'arabesque".
 
Charles Gesmar (1900-1928)
Très jeune, dès 1915, il exploite son talent de dessinateur. Il deviendra un des dessinateurs les plus créatifs et innovants pour le music-hall des années 1920.
Mistinguett s’attache ses services et jusqu’à sa mort Gesmar lui dessine ses costumes et ses affiches. Il la met en scène parée de ses plumes et de ses bijoux.
Elle a alors 41 ans et est déjà célèbre. Une part considérable de son succès dans les années 1920 et de la renommée qu’elle a encore aujourd’hui dans le monde est due à Charles Gesmar.
Les œuvres de Charles Gesmar montrent sa fascination pour les paillettes et les strass, les projecteurs et la lumière, le luxe, les plumes, les soieries, les couleurs vives… Ses costumes savaient mettre en valeur la féminité et la grâce des corps des actrices.
Zig lui aussi mort très jeune prend la relève et dessine costumes et affiches pour Mistinguett après la disparition de Gesmar
 
Okley (Pierre Gilardeau dit 1929-2007)
Okley, va lier tout au long de sa carrière sa passion pour la navigation aérienne et son inclination, au niveau pictural, pour la représentation de la pin-up.
Autodidacte, le jeune artiste persévère et se révèle au travers de l’affiche graphique. Il adopte, plus tard, le pseudonyme d’Okley pour ne pas entacher le nom familial, ses parents désapprouvant cette nouvelle voie professionnelle dans laquelle il s’engage, où il peint les charmes et la beauté de la femme.
Mais la création d’une affiche pour le cabaret La Nouvelle Eve, en 1956, marque un tournant dans sa carrière. Dès lors, il réalise un très grand nombre d’affiches pour le monde du spectacle et collabore avec les plus grandes scènes parisiennes comme les Folies Bergère, le Moulin Rouge, le Casino de Paris…
Il fait partie, avec René Gruau, Brenot et Aslan des grands affichistes des années 1950' à 1970' spécialisés dans la représentation de femmes et plus particulièrement de pin-ups.
1961 : Affiche Bal du Moulin Rouge (rouge)
1963 : « Cancan » Bal du Moulin Rouge Paris (en 4 versions de couleur rose, bleu, vert et jaune)
 
René Gruau (1910 – 2004)
Gruau s'installe à Paris où il fait la connaissance de Christian Dior qui devient rapidement un grand ami.
L’art de René Gruau portera haut dans le monde l’idée d’une élégance française, spéciale et souveraine. Pendant longtemps, il sera partout, sur les murs avec ses affiches, dans la presse avec ses dessins de mode, ses publicités et ses nombreuses couvertures, qui forment le sujet de ce livre.
 
Sa signature est griffée d’une étoile, sur d’innombrables images appartenant à la mémoire collective. Son trait épuré parent de la calligraphie extrême-orientale, le chic de ses femmes mutines, toujours en mouvement symbolisent internationalement l’élégance.
Interprète-virtuose des plus grands noms de la mode : Dior, Balmain, Fath. Des marques les plus prestigieuses : Rouge Baiser, Scandale, Payot… ou des spectacles les plus en couleurs : Moulin Rouge, Casino de Paris…
Il réalisa 10 affiches pour le Moulin Rouge entre 1963 et 1998
·                        1963: « Frou-Frou » Bal du Moulin Rouge
·                        1965 : « Frisson » Bal du Moulin Rouge
·                        1967 : « Fascination » Bal du Moulin Rouge
·                        1970 : « Fantastic » Bal du Moulin Rouge
·                        1973 : « Festival » Bal du Moulin Rouge
·                        1976 : « Follement » Bal du Moulin Rouge
·                        1978 : « Frénésie » Bal du Moulin Rouge
·                        1983 : « Femmes, Femmes, Femmes » Bal du Moulin Rouge
·                        1988 : « Formidable » Bal du Moulin Rouge
·                        1998 : « Féérie » Bal du Moulin Rouge
Cet artiste fait partie des grands de l'affiche française contemporaine qui n'a jamais déçu le public.
Une de ses rares affiches de cinéma pour le film de Jean Renoir "French Can-Can" est un hommage à Toulouse-Lautrec.
 
René Gruau né en 1909 à Rimini (sur la côte est de l’Italie, à l’est de Florence), d’un père aristocrate italien et de Marie Gruau, française. Il n’y a pas beaucoup d’information sur son père : à noter qu’il gardera le nom de jeune fille de sa mère. Son rêve, devenir architecte. Mais sa rencontre avec Lidel, rédactrice de mode milanaise en 1924 lui ouvre un nouvel horizon : le dessin de mode. De 1928 à 1930, il va réaliser plusieurs dessins de modes pour elle.
En 1930, il décide de s’installer à Paris avec sa mère. Il dessine pour des journaux et des magazines (le Figaro, Marianne). Il fera également la rencontre de Christian Dior.
A partir de 1935, il a acquis une bonne réputation et collabore à Femina, Silhouettes, Marie-Claire, etc. Il réalise même des illustrations pour des magazines étrangers (américains, italiens et anglais).
Lorsque la guerre éclate, il se réfugie avec la rédaction de Marie-Claire à Lyon.
En 1946, sa collaboration avec la revue International Textiles le lance vraiment dans le monde : il en réalisera toutes les couvertures jusqu’en 1984.
Et c’est en 1947 qu’il réalise la publicité du parfum Miss Dior : un cygne avec un nœud noir. Le style Gruau est né : c’est le raffinement du trait, la finesse du dessin, qui rend la femme belle, élégante, vivante. Les commandes s’enchainent : Rochas, Fath, Balmain, Givenchy et d’autres grands couturiers ne jurent plus que par René Gruau. Rouge à lèvre, bas, décor de théâtre, affiche pour le Lido ou le Moulin Rouge, tout le monde veut son dessin.
Il part travailler aux Etats-Unis en 1948 et devient l’illustrateur exclusif de Flair.
En 1954, il réalise l’affiche du film de Jean Renoir « French Cancan ».
Peu à peu, l’apparition de la photographie va le faire s’orienter uniquement sur le luxe et le spectacle. Il collaborera encore avec le Lido, le Moulin Rouge, le théâtre…
En 1977 a lieu sa première exposition au Musée de la Mode et du Costume à Paris.
En 1990, René Gruau reviendra vers la mode avec Vogue et Madame Figaro.
René Gruau décédera le 31 mars 2004.